Murs et Histoire

Pierre BERLIVET Président UTL de Douarnenez Ingénieur Chimiste

         

    Les murs dans l'histoire

      De tout temps les empires ou les états ont construit des murs afin d'établir une séparation entre eux-mêmes et une catégorie d'humains qu'ils considèrent comme différente de la leur. Séparer les civilisés des barbares, les nomades des sédentaires, les bons des mauvais, les riches des pauvres, les blancs des noirs, les mongols des chinois, les israéliens des palestiniens, les moutons des kangourous, mon bétail de celui du voisin, etc... Bien que ces murs aient presque toujours échoué à atteindre le but qui leur était fixé, cette course à la séparation se poursuit de nos jours et ne semble pas près de s'arrêter. Il semble que ce soit une des caractéristiques des états de continuer à construire des dispositifs ayant déjà fait preuve de leur inefficacité. C'est ainsi qu'une partie de l'humanité se retrouve face au mur.  

   La Grande Muraille de Chine

     La Grande Muraille, probablement la construction défensive la plus colossale au monde, sépare la Chine de la Mongolie sur plus de 5000 kilomètres. Sa construction, commencée au IIIe siècle avant l'ère commune, sous le premier empereur de Chine Qin Shi Huangdi, se poursuivit à différentes époques. Son tracé actuel date de l'époque Ming (XVe - XVIIe siècles). Elle comporte des forts et des tours de guet. Aux abords, des cantonnements militaires pouvaient héberger une partie des armées prêtes à intervenir sur la ligne frontière. Finalement tout ceci n'empêcha pas les incursions mongoles. De nos jours la Grande Muraille est soigneusement entretenue, elle est un objet de fierté pour les Chinois et attire tous les ans des millions de touristes. Il semble que leur but suprême soit de se faire photographier sur ces remparts, ce dont il tirent également une grande fierté.

    

Le mur d'Hadrien

Hadrien (Publius Aelius Hadrianus) (Bétique, 76 - Baïes, 138) empereur romain (117-138) n'ayant pas réussi à étendre sa domination sur les pictes, habitants de l'ancienne Ecosse, fit construire en l'an 122 de l'ère commune, le fameux mur qui porte maintenant son nom (vallum Hadriani, du latin vallum : palissade, retranchement). Ce mur, un grand ouvrage militaire long de 118 kilomètres, s'étend de la baie de Solway à Newcastle et constitua, à l'époque, la limite Nord de l'empire romain. De nos jours le monde est divisé en deux entités : d'une part "le fer de lance de la démocratie", c'est à dire l'Empire Etats-Unien et ses alliés, d'autre part "les puissances du mal", c'est à dire tous les autres. De même du temps d'Hadrien il y avait d'une part le monde civilisé, c'est à dire l'Empire romain, d'autre part "les barbares" dont il convenait d'être séparé car ils avaient des coutumes et un mode de vie différent. Ces vestiges sont maintenant classés au patrimoine de l'humanité par l'Unesco.

Le mur de Berlin

Construit en août 1961 afin de séparer deux populations ayant des modes de vie différents, à l'Est un régime socialiste autoritaire et une population assistée, à l'Ouest un régime capitaliste et une société de consommation. Les uns étant comme de coutume les barbares des autres, et réciproquement. Ce mur est consolidé au fil des années et devient de plus en plus infranchissable.  A l’origine, il se compose de 12 km de plaques de béton et de 137 km de barbelés, dominés par 116 miradors. A partir d’octobre 1964, il est peu à peu renforcé et transformé en une frontière véritable qui acquiert dès 1980 son aspect final. Le mur coupe 192 rues, 32 voies ferrées, 8 lignes S-Bahn, 4 lignes de métro, 3 autoroutes et plusieurs rivières et lacs. Sur les cours d’eau,  patrouillés par des vedettes, le mur est constitué de grilles immergées. Sa destruction en novembre 1989, suite aux changements politiques intervenus en Union Soviétique, marqua la fin de l'époque bénie où les allemands de l'Ouest pouvaient emplir leurs charriots au supermarché et où les allemands de l'Est n'étaient pas victimes du chômage. La "chute" du mur fût l'objet de grandes réjouissances et présageait la réunification de l'Allemagne. Un regret : il fût détruit avant d'être classé au patrimoine de l'humanité par l'Unesco, reconnaissons cependant que son esthétique ne paraissait pas devoir lui mériter le statut d'oeuvre d'art. Des collectionneurs fous en conservent jalousement quelques débris

Le mur de "la honte"

 

Ainsi nommé par Matthew Brubacher (chercheur à la Maison d’Orient de Jérusalem, fermée par Israël), dans Le Monde diplomatique de novembre 2002. « Le mur de sécurité que le gouvernement israélien construit autour de la Cisjordanie et de Jérusalem va radicalement modifier le paysage géographique et politique du Proche-Orient. En édifiant une clôture trois fois plus haute et deux fois plus large que le mur de Berlin - que l’Allemagne de l’Est appelait mur de la paix et l’Allemagne de l’Ouest mur de la honte -, Israël va annexer unilatéralement une partie substantielle de la Cisjordanie et resserrer les barrages militaires autour des villes palestiniennes, en y enfermant ainsi efficacement les habitants. »

Le mur Etats-Unis/Mexique

Les Etats-Unis poursuivent la contruction d'un mur et de barrières sur les 3000 km de leur frontière commune avec le Mexique. Le but de ce projet est de lutter contre l'immigration clandestine. Malgré la militarisation accrue de cette frontière, des milliers de clandestins, clients et victimes de passeurs hors la loi, parviennent à tromper cette surveillance musclée. Le fait de rendre illégaux ces immigrés temporaires, ouvriers agricoles pour la plupart, permet de les exploiter à outrance sans qu'ils puissent se prévaloir des droits les plus élémentaires. Il constituent un volant de main d'oeuvre bon marché très apprécié pour la récolte des fruits et légumes en Californie


Le mur de Schengen

Bien que virtuel, ce mur est probablement le plus grand jamais mis en place. Résultant d'un accord entre pays membres de l'Union Européenne, l'un de ses buts principaux est d'interdire le libre accès aux pays membres par les citoyens de pays extérieurs. Il constitue une entrave flagrante à l'exercice du droit d'asile que tous les pays de l'Union se sont pourtant engagés à respecter en ratifiant la convention de Genève sur les réfugiés. Ce mur virtuel a déja fait et continue à faire de nombreuses victimes. A l'automne 2005, à la frontière hispano-marocaine de Ceuta et Melilla, une vingtaine de personnes d'origine subsaharienne tombent sous les balles de l'armée marocaine. Le 28 avril 2008, au large d'Al-Hoceima, une trentaine de personnes dont quatre enfants périssent noyés, leur embarcation pneumatique ayant été volontairement crevée par les forces de l'ordre. Le massacre continue...

 

 

 

 

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